Mon
crapaud a fêté ses 3 ans au mois de mai dernier. Ses 3 premières années ont été
un véritable enfer. Avec le recul que j'ai maintenant, je ne sais toujours pas
comment j'ai fait pour tenir, ni ce qui me donne la force de continuer
aujourd'hui.
Petit,
il ne faisait que hurler. Comme tous les bébés vous allez me dire. Eh ben non,
car maintenant que nunuche est arrivée dans ma vie, même si on dit qu'il ne faut jamais faire de comparaisons,
on le fait. Et nunuche, elle, elle pleure quand elle est fatiguée, ou que sa
couche est sale et même parfois quand elle a faim, allez comprendre pourquoi je
trouve ça bizarre.
Car mon crapaud, depuis sa naissance et
jusqu'à ses 7 mois environs, il hurlait, hurlait, hurlait. Il s’arrêtait pour
manger, quelques rares fois pour dormir ( il n'a fait ses premières nuit qu'à
partir de ses 1 ans) autrement, à l'image d'un jouet avec un bouton coincé, mon
petit garçon avait un interrupteur coincé sur "pleurs".J'ai demandé
de l'aide. Le pédiatre m'a dit : " Reflux douloureux" ou " un
bébé ça pleure c'est normal". Ma mère avait aussi son mot à dire "
Laisse le seul, qu'il apprenne à se calmer, c'est de ta faute, tu l'a toujours
dans les bras". Soit. Mais aucun ne savait ce que je subissais vraiment au
quotidien.
Dès
qu'il a sû marché il y a eu comme une trêve ( le calme avant la tempête comme
on dit). C'est à cette période que nous avons le plus de souvenirs de notre
enfant. Des photos de lui souriant, des vidéos de ses gazouillis, des éclats de
rires, des souvenirs que nous n'oublierons jamais. Notre bonhomme qui essaie de
courir avant de marcher, c'est également l'époque où nous avons acheté un
chien. Une belle complicité naissante. Ça a duré un temps, 5 mois à tout casser.
Et puis
.... je ne me souviens plus vraiment ce qui a déclenché toute cette fureur, en
décembre 2013. Était-ce le fait que le
papa militaire était reparti en mission ? Ou bien de la jalousie avec la
nounou qui a accueilli un nouveau bébé de 6 mois ? C'est ce que je pensais, à
l'époque. Il était agressif envers les autres enfants, désobéissant. Il faisait des
crises quand il n'avait pas ce qu'il voulait. Rien à voir avec des caprices,
RIEN. Quand un enfant fait un caprice, il hurle, pleure, se roule parterre
puis ça se finit comme ça avait commencé, si ce n'est pas une légère
"bouderie" qui s'installe. Oh ... il m'en a fait des caprices mon
petit crapule, histoire de connaitre les limites à ne pas franchir. Mais il me faisait également des crises d’hystérie
( *** petite musique de muse qui me passe par la tête***) c'est a dire il se
mettait dans une rage folle. Comme si quelque chose dans son petit cerveau d'enfant
avait grillé. Il pouvait en faire sans crier gare, sans vraie raison : au
sortir de la sieste, quand je l'attachais dans la voiture, en balade, en cas de
contrariété aussi. Il se mettait dans
des états IMPOSSIBLES, il devenait rouge de colère, criait à la mort comme si on
le battait PENDANT 45 MINUTES AU MINIMUM, s’arrêtait de respirer sous le coup
de l'émotion, et se faisait MAL. Je me souviens à 1 an et demi lorsqu'il s'est
donné des coups avec sa tête contre le mur, qu'il s'était infligé une énorme
bosse au dessus de l’œil et qu'il a gardé un coquard pendant 3 longues
semaines. CE genre de crises, vous connaissez ?
Il n'y
avait rien a faire, je criais, il criai plus fort que moi. J’essayais de le
calmer en le prenant dans mes bras, il me griffait et me mordait. Dans ce genre
de situation, la voix de ma mère résonnait dans ma tête, celle qui me disait
que je ne faisais pas assez bien, que je n'arriverai pas à m'en occuper toute
seule et que j'étais une INCAPABLE. Eh ben, j'ai cédé. J'ai cédé à la facilité.
J'ai cédé à la violence. Il en a eu des fessées, plus fortes les unes que les
autres. J'ai honte. j'ai honte mais je le confesse. ça n'a servi à RIEN, si ce
n'est à tourmenter un peu plus l'esprit de mon fils déjà en souffrance. Les
crises se rallongeaient au contraire. Et plus il criait , plus je m'énervais.
Céder à la violence, c'est facile mais pas une solution. Mais ça, je ne l'ai
appris que bien plus tard. En attendant je me "défoulais" car je
n'en pouvais plus, j’étais à bout et je n'avais pas d'aide.
L'histoire
a pris un autre tournant quand, en juillet 2014, ma nounou, à bout, qui le
gardait depuis ses 3 mois, n'en pouvait plus de ses crises et de la violence
qu'il portait envers les autres petits et m'a donné sa démission. Jusqu’à très récemment
, je lui en voulais. Je lui en ai voulu qu'elle laisse tomber un pilier stable
de la vie de Florian, comme si ça allait l'aider à se calmer, c'était elle
qu'il voyait tous les jours, c'est d'ailleurs à elle qu'il a dit " je
t'aime de tout mon cœur" en premier.
Et cerise sur le gâteau, j'avais des indemnités indécentes à lui payer
car elle avait prévu de poser tous ses congés en Aout. Aujourd'hui , avec le
recul je la remercie. Nous sommes d'ailleurs restées en contact et devenues
amies. Je la remercie d'avoir été assez forte de ne pas avoir cédé à la
violence, d'avoir posé un " ola" plutôt que de continuer.
A cette
époque là, j'ai consulté une sophrologue. Il fallait recommencer sur d'autres
bases saines. J'en étais consciente, surtout que mon tout petit, qui commençait
à peine à parler, devrait recommencer à s'attacher à une autre nounou, que son
papa allait de nouveau ne plus être présent pour un temps. Il nous fallait de
l'aide. C'était cher. Très cher. 50
euros la consultation de 40 minutes même pas remboursé par la mutuelle. ça fait
mal au cul comme on dit. Est ce que c'était vraiment utile ? j'ai un avis
plutôt mitigé sur la question. Pour être honnête, je cherchais de l'aide et du
réconfort et la dame en face de moi me donnait une liste de livre et me
demandait mon chéquier. Bref. j'ai acheté des livres et j'ai fait notre
"thérapie de famille" toute seule avec ma lampe de chevet :
"j'ai tout essayé " de Isabelle Fiozat , "se faire obéir sans
crier " de Barbara Uneli et autres livres sur la psychologie enfantine et
pédagogie positive. Eh ben j'en ai
appris des choses et des astuces ! Ca m'a fait du bien et permise de beaucoup
relativiser. J'étais une maman plus zen, plus sure de mes méthodes éducatives.
La nouvelle nounou, je ne l'ai pas
laissé tomber. je l'ai soutenue, car je sais que j'ai un fils difficile. Elle a
voulu laisser tomber plusieurs fois. Mais mon fils avait besoin d'attention, de
beaucoup d'attention. On était jamais à l'abri d'une bêtise -morsure envers un
copain- jet de sable sur les copines- encore et toujours ces crises d’hystérie.
En
parlant de ses crises, elles disparaissaient, tout doucement et
progressivement. On est passé de 2-3 crises de 45 min quotidienne, à 1-2 crise de 15 minutes HEBDOMADAIRE.
j'étais très à l'écoute de la nounou et nous appliquions les mêmes méthodes
chez elle qu'à la maison. par exemple en cas de crise, il est mieux de le
prendre dans les bras, même s'il griffe, même s'il essaie de s'échapper ,même
s'il crie et veut se faire mal. Lui dire qu'on est là, qu'on ne s'en ira pas (
grâce aux livres lu, je savais enfin que ma première intuition était la bonne
depuis sa naissance et la voix de ma mère qui me trottait dans la tête, je ne
l'écoutais plus) mais que, comme elle a d'autres enfants, et qu'elle ne peut
pas porter constamment toute son attention sur lui , mieux vaut l'isoler dans
son lit pour pas qu'il se fasse mal le temps de la crise plutôt que de le
laisser dans la salle de jeux, au milieu des autres enfants.
Tout
allait toujours en progressant, si bien qu'en Mars/ Avril 2015, je ne déposais
plus mon fils la peur au ventre de me faire lâcher par la nounou ou par la peur
qu'il agresse une énième fois un autre de ses copains. Il devenait même attentif et doux envers les
bébés, ce qui ne faisait que me rassurer puisqu’à ce moment là, j’étais
enceinte de nunuche <3.
La
descente aux enfers se fit plus tard, après la naissance de la petite : début
Aout, après l'arrivée de bébé, 5 jours après pour être précise, je quittais
pour la PREMIERE fois le cocon familial pour me faire hospitaliser une semaine
à nouveau, suite à une infection de l'utérus. Comme le germe était dangereux,
mon fiston n'avait pas le droit de venir me voir. Par chance j'ai pu garder la
petite, que j'allaitais, avec moi (et que j'allaite toujours d'ailleurs). Moi qui
m'inquiétais énormément pour mes hommes, tout se passait admirablement bien à
la maison. Mon cher et tendre mari n'a jamais autant pris son rôle de père en
main : il était plus autoritaire mais toujours aussi bienveillant. Alors
qu'avant, il l'encourageait presque à faire des bêtises ( je me souviens quand
il lui a appris à faire du vélo-cross avec une draisienne , mon coeur de maman
s'est arrêté), durant toute la période de mon hospitalisation il s'était montré
raisonnable comme jamais. A mon retour à
la maison, mon fils me boudait. Je crois qu'il m'en voulait d'avoir emmené sa
soeur et pas lui pendant que je me faisais soigner. Allez expliquer ça à un
gamin de 3 ans !
Mais
dans la folie de la vie, tout s'est enchainé : au lendemain de ma sortie
d'hospitalisation, nous voila partis pour 2 semaines chez la famille en
Alsace. Et, à peine 3 jours après être re-rentré chez nous a la maison, il y a
eu pour la première fois la rentrée à l'école. Tout le monde était impatient. j'avais tellement hâte qu'il se
fasse des copains, qu'il apprenne pleins de choses, qu'il fasse pleins
d'activités et tout et tout : une vision bienveillante d'une maman qui voit son
fiston grandir. Mais j'avais, inconsciemment aussi envie de me reposer un peu
après tout ce déluge d’événements et profiter de ma maternité toute fraiche
enfin.
Ce ne
fut pas le cas.
Dès le
premier jour d’école, je me suis faite convoquée pour le comportement "non compatible avec la vie scolaire" de mon fils. Lui, le même avec qui
ont avait progressé pendant 1 an et demi , et qui, justement avait DEJA été
gardé en communauté: en effet , la dernière nounou travaillait en MAM et
pendant les vacances il avait été gardé à la crèche, et les incidents étaient
très RARES. Mon fils, dans lequel je mettais tellement d'espoir qu'il puisse
enfin s'épanouir dans tous les domaines. Tout le monde des bisounours que je
m'étais construit s'écroulait. Il s'était remis à mordre, à taper, à pousser, à
cracher, à répondre à la maitresse sur un ton menaçant, à crier et à pincer. La
maitresse l'aura même décrit comme " un petit chien qui se balade ,fait le
fou dans la classe et qui n'écoute personne et ne calcule personne".
Il
n'aura pas le droit de rester la journée à l'école. Je devrais le garder tous
les après-midis chez moi, pendant mon congé maternité. Soit. C'est mon enfant
je l'assume. Mais la situation ne pouvait pas durer toute l'année : tôt ou tard
je reprendrai mon travail et il faudra songer à une autre solution.
Cette
fois-ci encore je demandais de l'aide. Une psychologue cette fois-ci. En
contact avec la maitresse qui plus est. Pour être honnête, les premières
séances, je ne vis aucune différence. Encore une fois, je me mis à interroger
les circonstances extérieures : le papa était reparti en formation de
reconversion à Lyon pendant 2 semaines. Mais en parallèle, je faisais aussi un
travail sur moi-même, à nouveau je relis les livres sur la pédagogie qui
prenaient la poussière, car j'entendais la voix de la colère qui se faisait de
plus en plus forte. Et c'est d'autant
plus difficile de ne pas la laisser
sortir quand :
* tu
n'as pas dormi pendant des jours car tu as aussi un nourrisson
* tu es seule à la maison pour assumer un gamin
à problèmes, un bébé et un chien
* lors
d'une balade ton fils se jette volontairement dans l'eau d'un lac boueux alors
que tu as ton bébé en écharpe
* ton
fils refait la peinture de sa chambre à coup de sauce tomate
* ton
fils te tape et te pince sans raison apparente
* ton
fils recommence à faire des crises d’hystérie alors qu'il avait arrêté depuis
des mois ...
Eh ben,
tu tombes soit dans une dépression, soit dans de la colère et les fessées. J'ai
du mal à trouver une autre recette avec de la fatigue. En ce qui me concerne je
suis toujours un peu borderline. J'essaie de toute mes forces de garder mon
calme, de poser des limites harmonieuses , d'expliquer chaque situation et
bêtises qu'il fait et la seconde d'après, quand le vase déborde, j'ai envie de
m'arracher les cheveux, de le jeter par delà la pièce, de l'enfermer dans la
cave et d'autres idées encore plus noires. ça me fait mal de le dire mais j'y
pense et des fois tellement fort que je crois qu'il arrive à le lire dans mes yeux.
Et là je vois son regard apeuré, le même que moi j'avais quand ma mère se mettait
dans tous ses états, je me revois en elle. ça me fait mal, ça me fait peur, je
n'en veux plus. Je suis à bout moi aussi. Moi aussi je veux démissionner comme
ma première nounou. STOP, j'arrête le contrat reprenez mon fils j'en change et
je garde la petite dernière, de lui, faites en ce que vous voulez, je m'en
fiche.
Et puis
je relativise, je culpabilise d'avoir pensé tout ça. C'est un cercle vicieux
dans lequel il n'y a pas d'issue possible. A chacune de ses bêtises je lui
trouve des excuses: quand il était petit, c'était les reflux, s'il était
agressif c'est que son papa partait. "Mais non si ça se passe mal avec la
première nounou c'est qu'il est jaloux du nouveau bébé, ça va passer" et
depuis cet été je lui en ai trouvé des nouveaux:
" il a perdu tous ses repères, ça va
passer "
"c'est qu'il doit s'habituer à sa sœur,
ça va passer"
"cette
semaine ? normal qu'il soit infect, son papa est encore parti"
"
il est fatigué parce qu'il a encore fait des cauchemars, c'est normal qu'il
soit grognon"
ET puis
quoi encore ? D'habitude mon fils est adorable , calme et pleins de douceur et
de patience, il y a juste un petit truc que j'arrive pas à expliquer qui fait
que aujourd'hui et aujourd'hui seulement il est infect, mais ça va passer et
tout redeviendra comme avant, promis. ça va passer . CA VA PASSER.
CA VA
PASSEEEERR
Pardon ?
Ah oui c'est vrai il n'a jamais été calme.
Je dois
vraiment arrêter de lui trouver des excuses. Je suis une maman. Et comme pour
toutes les mamans, notre propre fils est un être exceptionnel qui n'a pas de
problèmes. Je vais casser le cliché et arrêter d'être dans le déni: mon fils a
un gros problème. Je ne sais pas quand ça a commencé, je ne sais pas ce qu'il
a , ni si j'en suis un peu ou pas du tout responsable. Mais j'ai besoin d'aide,
moi aussi. Seule avec lui, je ne m'en sors plus. Car s'il était vraiment si
exceptionnel que ça pourquoi tous ces soucis avec toutes ces personnes
habituées à travailler avec des enfants ? La nounou ? La maitresse ? Les dames
de la cantine ?
Car oui,
ce qui a déclenché cette folle envie d'écrire, c'est ça : maintenant que depuis
septembre on se serre les coudes, Florian, la maitresse, la psychologue et moi
pour voir le bout du tunnel avec des semaines où ça va pas du tout aller et
pour au résultat avoir 1 ou 2 jour dans la "norme", après tous ces
sacrifices où on a décidé d'un commun accord de le laisser une seule journée
entière par semaine à l'école, journée où il va à la cantine, ou il apprends de
nouveau tout doucement a prendre un rythme pour quand je travaillerai ...
Aujourd'hui
j'ai reçu un courrier pour me dire qu'au prochain avertissement mon fils serait
radié de la cantine. Il n'y était en tout que 7 fois. Je comptais l'y mettre
progressivement tous les jours pour qu'il s'habitue quand je reprendrai le
travail.
Je
reprends le travail dans 1 mois. Youpi . Comme on dit l'espoir fait vivre.
EDIT du
17/01/2016 : Après avoir fondu en larmes, à n'en plus savoir que faire, je sais
enfin de quoi souffre mon doudou.
C'est
lors de sa visite médicale en vue de ses 4 ans, que par précaution, la medecin
de la PMI lui a prescrit une prise de sang : elle le trouvait fatigué avec de
grosses cernes, le teint blême et des bâillements incessants. Ce à quoi je lui
ai répondu qu'il a toujours été plus ou moins comme ça, l'ait fatigué, l'air
agité, et ce depuis des mois, voire des années. Un bilan sanguin complet donc:
testé le sucre (diabète ?), le magnésium ( hyperactivité ?) et le fer (
anémie?). Résultat ? Anémie sévère. Cela faisait certainement tout aussi
longtemps qu'il l'avait, vu les taux inquiétants qu'il avait ... un enfant
normal le taux de fer dans le sang se situe entre 30 et 150ng ... Lui avait en
dessous de 10. Du coup, grosse fatigue. Et tout le monde sait à quoi ressemble
un gamin fatigué : agitation, pleurs, cris, irritabilité. Lui l'était au
quotidien. Et dire que pendant toutes ses années j'ai cru que c'était
PSYCHOLOGIQUE alors qu'il y avait un problème BIOLOGIQUE.
Quel
soulagement ! cela se traite bien, un sirop enrichi en fer et hop! c'est
reparti. J'ai envie de pleurer tellement il a changé en si peu de temps. Je ne dis
pas que c'est un ange non plus, mais il est calme, plus attentif et ... quand
il est contrarié, il ... boude ! Jamais vu ça chez lui ( c'était crise
d'hystérie et casse de jouets ), j'ai l'impression de ne jamais l'avoir connu,
comme si je découvrais une nouvelle personne ... Je vous tiendrai au courant de
l'évolution ( d’où vient réellement cette anémie ?) mais on est enfin sur la bonne voie :)